Conférence – mars 2020

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Les fake news – Deuxième partie

Par Claude Brulant 
Angers,  jeudi 12 mars 2020

Fake News – Première partie

L’homme  s’adapte aux innovations les plus déconcertantes ; dans le passé au téléphone, à la grande vitesse et aujourd’hui au numérique. Cependant, c’est une réaction personnelle, je suis très déstabilisé par ce phénomène des fake news ou informations fallacieuses. Car ces informations ne  modifient  pas tant notre perception qu’elles ébranlent  notre vision du monde. C’est un ébranlement tellurique comme si le terrain glissait sous nos pieds. Que des affirmations et des négations du même fait puissent coexister ; que tout puisse être réfuté me laisse dans une grande perplexité ;  la vérité a-t-elle disparue ? Or pour ne citer que quelques auteurs du XIXème siècle,  Zola disait  « la vérité est en marche rien ne l’arrêtera  ou Georges Sand affirmait sa conviction  qu’« Il n’y a qu’une vérité dans l’art c’est le beau, qu’une vérité dans la morale, le bien,  qu’une vérité dans la politique, le juste… ».

I La menace des fake news

La portée de cette menace est considérable en raison de son volume, de son extension, de la force de sa dissémination…telle est la spécificité des  fake news par rapport au mensonge, vieux comme le monde …Les fake news peuvent concerner une grande diversité de domaines et s’exercer avec une grande amplitude du fait des nouvelles technologies de l’information et de la puissance redoutable des réseaux sociaux pour le meilleur comme pour le pire.

La mise en cause   des faits admis peut bouleverser la donne diplomatique ; les exemples anciens ou plus récents abondent comme par exemple l’accusation portée à l’encontre du Quatar d ’une démarche pro iranienne ou encore les fausses preuves de  détention d’armes de destruction massive par l’Irak et le déclenchement de la guerre par les États unis et la Grande Bretagne ; plus récemment la propagande russe accusant en Ukraine l’Occident d’avoir fomenté les  manifestations de la place Maiden, d’avoir, ce qui fut démenti aussitôt, annoncé la reconnaissance par la république tchèque de  l’annexion de la Crimée.

De même, de fausses informations peuvent troubler considérablement les activités économiques, les investissements, les cours de bourse et actuellement le degré  de gravité de la pandémie.

Les mensonges véhiculés par les fake news créent  de nouvelles réalités qui  sur le plan politique deviennent souvent des réalités clivantes. C’est ainsi que Donald Trump a exploité le sentiment d’échec et de dépossession de certaines populations.

 Le racisme, la xénophobie et l’irrespect d’une manière générale des droits humains peuvent aussi être  renforcés par les fake news. L’internet par cette  utilisation criminelle donnent  naissance à de nouvelles communautés  de haine et aboutissent  à une fragmentation de l’opinion. Les fausses nouvelles répandues à l’encontre d’Hillary Clinton par les officines de certains pays comme la Russie lors des élections américaines ont gravement altéré le bon fonctionnement de la démocratie.

Sur le plan de la santé des charlatans dans certains pays, en Afrique notamment,  font circuler de fausses informations propres à mettre en cause les politiques publiques de santé.

Enfin il ne faut pas omettre de signaler les graves atteintes à la personne qui peuvent découler de fausses informations mettant en jeu la dignité de la personne et conduisant jusqu’à sa diffamation.

II Les remèdes

Face aux menaces graves que peuvent faire courir les fake news, il existe divers remèdes.

1 L’instrument législatif 

Le premier instrument de lutte contre les fausses allégations, le plus général, est la loi. C’est ainsi que plusieurs pays européens ont pris des mesures diverses d’ordre législatif ou réglementaire. En France  une loi de novembre 2018   sanctionne l’usage des fake news dans un domaine précis et essentiel, le déroulement des élections. Cette loi crée d’abord un devoir de coopération à la charge de plateformes et renforce leurs obligations de transparence vis-à-vis de leurs utilisateurs. Cette obligation ne s’impose qu’aux plates formes qui reçoivent au minimum cinq millions d’appels par mois.

En matière électorale, un citoyen peut aussi saisir un juge d’une situation de fausses allégations, trois mois avant le scrutin.

De plus, au titre de cette loi, le CSA peut suspendre les programmes d’une chaîne de TV contrôlée par un pays étranger. Mais ces actions  doivent remplir un certain nombre de critères parfois difficiles à observer : les fausses nouvelles doivent être « manifestes », massivement diffusées et troubler l’ordre public, en l’occurrence la sincérité du scrutin.

Avant cette loi, notre arsenal législatif comportait déjà quelques dispositions générales ; ainsi l’article 37 de la loi de 1881 sanctionnait les fausses nouvelles et l’article 97 du code électoral les fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin.

De nombreux pays ont adopté des procédures diverses pour lutter contre les fake news. A l’échelle internationale de nombreux instruments juridiques font obligation aux États signataires d’assurer l’accès et la protection des données.

2 Le journalisme

Le bon journaliste, cet historien du présent, doit dans la mesure du possible s’entourer de toutes les preuves avant de se prononcer. La fonction du journaliste est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie. La qualité de la formation des journalistes est essentielle ; ils doivent connaître les règles de leur déontologie, et l’appliquer : donner toujours la priorité aux faits sur les émotions. Les journalistes  doivent aussi s’assurer de leur indépendance tant vis-à-vis des pouvoirs politiques qu’économiques.

Les médias face au phénomène des fake news ont également créé des mécanismes propres à les détecter. Il existe de nombreux sites dédiés au  fact-checking ; dans les principaux journaux comme Le Monde (Decodex), Libération, dans les radios (France info) les chaines de TV la 2, Arte (28 minutes) en Europe et sur d’autres continents Afrika check ou aux USA Stop fake. Ces sites sont très utiles aux journalistes qui s’y reportent, effectuent des stages auprès d’eux. Des prix du checking sont décernés. Mais ces procédures sont coûteuses

3 L’éducation

La démocratie dépend enfin de la vigilance des citoyens eux-mêmes. C’est l’école en général qui peut développer cette prise de conscience du phénomène. La qualité de l’information joue un rôle décisif au profit de la démocratie.

Cette action éducative est d’autant plus nécessaire que les fake news trouvent un terreau très favorable auprès des populations vulnérables peu éduquées et souvent fascinées par les contenus émotifs et par le mystère du complot.

Conclusion

Le mensonge véhiculé par la propagande, la rhétorique, la publicité a toujours existé .La force et la menace du phénomène des fake news vient du potentiel considérable du numérique. Si le net devient la poubelle de la démocratie, si la vérité est affaiblie à tel point, la démocratie est alors en grand danger. Quand la vérité n’est plus que le label provisoire d’une croyance, il y a de quoi s’alarmer face à cette machine à fabriquer des « vérités » (tout en sachant qu’il y a dans des domaines très particuliers, des vérités bonnes à cacher, en médecine, en diplomatie)

Mais en même temps il faut protéger l’internet, lui-même, ces réseaux qui permettent aussi de considérables avancées en terme d’échanges de données, de démocratie participative (des milliards d’info par jour).

Enfin puisque nous parlons dans le contexte de notre « politique de la culture », but de notre société, il est évident que sans vérité et respect des  conditions strictes de la vérité, tout  dialogue est condamné, par conséquent toute culture fondée sur l’universel et sur la tolérance.

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