Assemblée générale – septembre 1971

Par Dans Centre international, Publications Commentaires fermés sur Assemblée générale – septembre 1971

Déclaration de la

12 ème Assemblée générale ordinaire

(XXe anniversaire de la fondation de la Société)

Rome
du 29 septembre au 2 octobre 1971

La XIIe Assemblée générale ordinaire de la Société Européenne de Culture s’est réunie à Rome du 29 septembre au 2 octobre 1971. Après avoir entendu le rapport présidentiel d’Antony Babel sur la vie de la Société au cours des vingt-six années écoulées depuis que l’idée en a été lancée et sur ses activités depuis la dernière Assemblée ; le rapport du Secrétaire général, Umberto Campagnolo, intitulé «la culture, catégorie de la crise», sur l’engagement historique de l’homme de culture et l’exposé d’Henri Janne sur les grands courants de la pensée politique et religieuse contemporaine devant le problème de la paix, l’Assemblée a discuté et approuvé la déclaration suivante, dont l’intention essentielle est de souligner la persévérance de la Société Européenne de Culture dans ses efforts, l’unité de sa ligne de conduite et la cohérence de ses décisions successives.

En automne 1946, l’esprit de quelques hommes de culture s’est trouvé dominé par deux sentiments qui les poussaient à entreprendre une action dont la nécessité s’imposait à eux avec la force d’une obligation morale irrécusable : d’une part, le bonheur de la liberté retrouvée et de la paix rétablie, d’autre part, l’angoisse provoquée par la division du monde en deux blocs idéologiques, prêts, semblait-il, à s’entre-détruire selon la logique inflexible de la politique de puissance. Dans la conscience de ces hommes de culture, la conviction s’affermissait qu’une raison d’unité devait dépasser un tel conflit, que l’homme devait être pris dans sa totalité, au-delà des divisions de toutes sortes, raciales, religieuses, nationales, sociales, etc. Les hommes de culture sont apparus comme les interprètes naturels de cette aspiration à la solidarité et à la paix, unique réaction possible à la menace d’un nouveau conflit mondial.

Le dialogue s’est révélé comme la seule voie qui leur était ouverte. La S.E.C. est née comme la société du dialogue. Mais, si approprié que fût ce mot, il n’avait pas une signification univoque et ne pouvait suffire à concilier des attitudes différentes, souvent même opposées. Aussi, dans ses réunions, ses débats, ses études, ses publications, et notamment « Comprendre », la S.E.C. s’est-elle efforcée de préciser ce concept en le dégageant progressivement de toutes les ambiguïtés qui le voilaient, surtout à partir du moment où le mot fut galvaudé par suite de son extraordinaire succès. Dès le commencement, elle a montré et démontré que l’accord commun devait constituer le point de départ du dialogue et non pas son aboutissement. Elle a cherché à déterminer dans la réalité des faits le contenu historique concret de cet accord et elle l’a reconnu dans la paix, dans le besoin absolu de paix, impératif moral de notre temps. Sa tâche était alors de prouver qu’un tel impératif ne limitait pas la liberté, mais qu’il en était la condition, la substance.

«La paix qui n’a pas la guerre pour alternative» est donc devenue la perspective principale de la S.E.C. : c’est cette vérité que le dialogue est appelé à révéler à la conscience humaine comme le devoir suprême du moment historique actuel. Tous les grands problèmes de notre temps, ceux de la faim, de la pauvreté, de l’environnement, de même que ceux de l’égalité, de la justice, de la liberté et de la démocratie, dont on fait dépendre parfois le destin du genre humain, ne peuvent recevoir de solution que fondée sur la paix.

La doctrine de la Société a montré que «la paix qui n’a pas la guerre pour alternative» ne pouvait être l’œuvre des États, de leur politique de puissance, ou, comme nous le disons aussi, de la politique ordinaire. Tout au contraire, la paix sera l’œuvre des peuples, de leur politique de solidarité, de ce que nous avons défini comme la politique de la culture.

Elle ne saurait donc être l’effet d’une idéologie ou d’une stratégie politiques particulières. Elle sera l’aboutissement d’une compréhension et d’une collaboration conscientes et constantes marquant la solidarité de tous les hommes. La politique de la culture, qui est la politique de la solidarité, est universelle. La Société commettrait par conséquent une erreur grossière, si, dans ce dessein, elle prétendait élaborer un programme déterminé. Poursuivre la paix, aujourd’hui, c’est tout simplement vivre et agir selon les exigences éthiques de notre temps.

Pour la première fois, les peuples, dans les relations internationales dont ils avaient toujours été écartés et qui étaient l’apanage des États, de leurs gouvernements, de leur diplomatie, de leurs armées, sont appelés à jouer un rôle décisif. L’expérience de notre siècle confirme que ces relations n’échappent pas à leur emprise : c’est bien d’eux qu’elles sont destinées à recevoir les structures sur lesquelles se construira la paix. Ce sont les peuples, malgré toute apparence, qui créent les États ; il n’est donc nullement inconcevable qu’ils soient aujourd’hui appelés à instituer le droit, la justice universels. Ce sera la plus grande révolution de l’histoire.

Au cours des débats, il a été relevé l’importance que peuvent assumer aujourd’hui, pour la paix, les projets en faveur de la sécurité européenne. Certes, la S.E.C. voit avec la plus grande sympathie les initiatives tendant à promouvoir la paix et la prospérité. Elle doit cependant répéter que sa sympathie ne saurait aboutir à des engagements qui l’entraîneraient en dehors de son autonomie.

La douzième Assemblée générale ordinaire émet le vœu que la S.E. C. persévère dans l’œuvre entreprise il y a plus de 25 ans. Elle exhorte le Conseil exécutif et le Secrétaire général à maintenir une ligne dont les événements ont confirmé la justesse. Consciente d’avoir à modifier une tradition de pensée et de mœurs plusieurs fois millénaire, elle demande que soient repris et développés les projets de diffusion et d’action élaborés depuis l’origine de la Société. L’Assemblée générale espère que la S.E.C., fidèle à son inspiration et à ses principes, verra sa doctrine s’imposer et s’inscrire dans les faits.

Assemblées générales | Centre International | Accueil

Les commentaires sont clos.