Assemblée générale – novembre 1951

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Lettre aux Autorités politiques

votée à l’unanimité

1ère Assemblée générale ordinaire

Venise
du 8 au 11 novembre 1951

La Société Européenne de Culture, réunie du 8 au 11 novembre 1951 en Assemblée générale ordinaire à Venise, a décidé, en conclusion de ses travaux, d’adresser aux Autorités politiques suprêmes un appel en faveur de l’autonomie de la culture et de la liberté des échanges culturels, conditions fondamentales de tout progrès véritable et puissants facteurs de paix. Elle a en conséquence approuvé les termes du présent message que nous avons l’honneur de vous adresser : Aux Chefs d’État, aux Présidents des Parlements, aux Chefs des Gouvernements, aux Ministres des Affaires Étrangères, de l’Information et de l’Instruction Publique, etc., de tous les Etats d’Europe et d’Amérique.

La Société Européenne de Culture, réunie en Assemblée générale à Venise du 8 au 11 novembre 1951, a examiné, dans ses rapports avec la situation générale actuelle, le malaise profond de la culture, et a reconnu que votre concours pourrait rendre plus efficaces les efforts qu’elle a entrepris en vue de le surmonter. Elle considère qu’il est de son devoir de vous demander votre appui, en attirant votre attention sur l’importance que peut avoir son action pour résoudre la crise. Cette crise, qui investit la société jusque dans ses structures les plus profondes, ne saurait être résolue par une politique qui doit tirer de ces mêmes structures ses moyens d’action. Une telle politique se trouve donc dans l’impossibilité technique de créer le système de lois et d’institutions requis par les nouvelles conditions d’existence. Face aux problèmes soulevés par le développement même de la crise, cette politique sera menée sous la poussée des événements. Elle ne parviendra pas à les maîtriser, et parfois même elle ne pourra mesurer les conséquences de son action.

A côté de cette politique, cependant nécessaire, car elle répond aux besoins de la vie quotidienne, et l’histoire n’admet pas qu’on arrête son cours pour le changer, une autre se dégage toujours plus clairement, que nous nommerons politique de la culture, parce que c’est dans la culture qu’elle a son fondement. Elle révèle son importance dans les moments les plus critiques en combattant les craintes injustifiées, les égoïsmes, les superstitions, la paresse d’esprit, la lâcheté, tout ce qui s’oppose en somme à la marche de l’histoire, tout ce qui engendre ces arrêts funestes et ces réactions violentes qui font souvent payer à l’homme ses progrès d’un excessif prix de sang et de douleur. Elle ouvre à la société les horizons des expériences nouvelles qu’elle est appelée à faire, et la maintient dans cet état de disponibilité orientée, nécessaire à l’évolution normale d’une crise.

C’est avec ce concept de la culture entendue comme la conscience même de la civilisation, et prise comme principe de toute politique sociale de la civilisation, que notre Société s’adresse à vous et vous demande de considérer les obstacles qui s’opposent à la tâche qu’elle entend accomplir, et qu’il vous appartient d’écarter. Plus précisément, elle vous demande d’user de votre pouvoir pour établir les conditions d’existence qui permettront à l’homme de culture de conditions d’existence qui permettront à l’homme de culture de n’avoir égard, dans l’exercice de son activité, à rien d’autre qu’à la loi intime de son œuvre, et d’échapper aux pressions qu’exercent sur lui des intérêts étrangers et souvent même hostiles à la culture. Elle vous demande notamment de garantir aux ouvrages de la culture et à leurs auteurs, quelles que soient leur origine raciale ou nationale, leur appartenance spirituelle ou politique, la plus ample liberté de circulation ; de donner aux hommes de culture un accès plus facile à tous leurs moyens de travail ; de les affranchir de toute entrave contrôles, censure, interdits) aux relations qu’il leur semblera bon d’entretenir par le moyen de la correspondance, des congrès, des rencontres, etc. La Société Européenne de Culture vous demande donc d’aplanir les obstacles qu’une politique de peur, de jalousie, de rancœurs a multipliés sur la terre, et en particulier dans cette Europe d’où rayonna sur le monde l’idée même d’universalité de l’esprit.

Ce que nous sollicitons de vous dépasse sans doute ce qu’il est permis à des hommes privés de demander. Mais nous ne saurions plus considérer la culture comme chose privée. Certes, l’effort de prévision et de préparation de l’ordre futur que poursuit la culture dépasse le domaine des institutions et des lois. D’autre part, nous connaissons la logique inévitable de leur défense.

Cependant, nous savons combien souvent vous êtes amenés à constater leur précarité, à céder aux pressions qui les débordent, quand vous n’êtes pas obligés de conférer à ces pressions, par le plus étrange des paradoxes juridiques, valeur légale. C’est précisément en raison de ces circonstances que nous croyons de notre devoir d’attirer votre attention sur la force vive que peut représenter, pour la liberté et la paix dans le monde et le développement de notre civilisation, une culture capable de se manifester en toute indépendance.

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